16/09/2015
Chantage à l'islamophobie
Dépuis ATLANTICO.FR:
Guylan Chevrier : A force de nier que l’immigration ne fait pas problème, on en arrive à une méfiance encore plus grande envers les migrants, non seulement en France mais aussi en Europe. On en arrive à une situation paroxystique, avec une déferlante de réfugiés, le chiffre de 430.000 personnes ayant franchi la méditerranée depuis janvier étant presque devenu anecdotique, tant la pression migratoire explose. Même l’Allemagne, qui a contribué par ses déclarations en faveur d’un accueil inconditionnel à créer cet appel d’air en incendiaire pour en appeler aux pompiers aujourd’hui, fait machine arrière et explique qu’elle arrive à ses limites, rétablissant ses frontières, alors qu’elle pourrait recevoir un millions de migrants sur son territoire cette année.
Une situation folle. D’autant plus qu’il ne s’agit pas que de réfugiés, puisque les autorités européennes considèrent que deux tiers des migrants ne relèvent pas de la demande d’asile. D’ailleurs, parmi ceux qui se réclament du droit d’asile, nombreux seront ensuite déboutés et partiront ailleurs, pour tenter leur chance comme clandestins comme ceux qui sont déboutés du droit d’asile en France, les deux tiers, qui restent en situation irrégulière sur le territoire national. Et ce n’est pas une vue de l’esprit, pas plus qu’un encouragement à la peur de ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux, il y a ici un vrai danger de déstabilisation en Europe.
On voit les jusqu’auboutistes d’un monde sans frontière comme les Verts, tomber de plus en plus dans le gauchisme pour dire qu’il faut tous les accueillir, ou encore, un Jean-Luc Mélenchon qui tente une prise de conscience, disant en même temps qu’il comprend l’inquiétude des Français face à l’afflux de migrants dont on ne connait pas le nombre définitif, mais que l’on ne peut rien faire que les accueillir… Mais justement, jusqu’où ? Le gouvernement tente de nous convaincre que la France peut accueillir ces migrants, et que la chose est sous contrôle, alors que le contraire se révèle un peu plus chaque jour. Les 24.000 migrants à accueillir vont devenir combien ? Ceci alors que Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, cette fameuse commission de supers technocrates élus par personne, qui se substitue aux Etats, entend imposer par une manœuvre de sommet, sur un mode fédéraliste, aux Etats européens d’accueillir, d’accueillir et d’accueillir encore, à coup de quotas en bafouant leur souveraineté. Des injonctions européennes que ne supportent plus non plus les Français. Mais cela est on le sait bien le résultat de l’immobilisme européen face à des phénomènes migratoires qui ne sont nullement pris à leur cause, en raison d’une Allemagne dominante qui ne comprend rien d’autre que ses intérêts étroits et a pour une part, elle, intérêt à l’accueil des migrants surtout qualifiés pour qu’ils soient exploités par les patrons allemands qui manquent de main d’œuvre. La situation touche au délire ! Si la France s’interroge de procéder à des frappes sur l’Etat islamique, l’Europe elle, pense ailleurs…comme pour l’intervention au Mali. L’image que donne l’Europe n’est que d’être capable d’une chose, parer au plus pressé le dos au mur qu’elle a laissé elle-même s’installer.
C’est encore sans compter avec les images des migrants arrivant en Europe, on voit beaucoup de femmes voilées, ce qui rajoute, il faut bien en avoir conscience, à l’inquiétude. On a vu la montée d’une certaine défiance face à une immigration originaire de pays musulmans. L’opinion des Français sur le droit de vote des étrangers qui était favorable, six sur dix en 2011, s’est complètement inversée. Selon une enquête de l’INSEE basée sur le recensement, la population immigrée provient de pays de plus en plus lointains, de cultures plus éloignées, Egypte, Soudan, Erythrée, Syrie, Congo, Cap Vert.., posant de nouveaux problèmes.
L’intégration qui connait déjà des ratés au niveau économique avec un fort taux de chômage, est redoublée par des problèmes culturels et religieux.
Qu’ils viennent d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb, parallèlement à des violences urbaines auxquelles se trouvent mêlés des jeunes issus de cette immigration, on voit s’affirmer des revendications identitaires à caractère religieux, sous le signe d’une forme de foi qui fait passer les valeurs religieuses avant celles de la République, phénomène qui s’accentue de plus en plus à travers un voile qui s’est généralisé, particulièrement après les attentats de janvier à front renversé, ce qui est relevé par la plupart des observateurs. Pourquoi depuis des années cache-t-on qu’en 2014 18,7 % des écroués sont étrangers et si on remonte à la nationalité du père, c’est 51 %. Il ne s’agit pas de pointer du doigt en accusant de tous les maux les immigrés mais de montrer que l’intégration n’est pas une chose si simple, et que les conditions en sont brouillées aujourd’hui et qu’il faut réagir par plus d’intégration républicaine.
Cela ne saurait excuser le rejet pur et simple de ceux qui subissent des persécutions et ont besoin d’être protéger, en respectant le droit d’asile, ce que déni totalement le Front National. L'Etat islamique en rajoute en alimentant cet écueil, à déclarer avoir disséminé des terroristes parmi les réfugiés. L’appel aux maires pour accueillir les réfugiés Syriens, a donné lieu à des marchandages qui sont inacceptables et contraire aux droits fondamentaux, lorsqu’on entend choisir uniquement d’accueillir ceux qui sont chrétiens. Mais le soutien de l’opinion des Français à cette attitude avec 70% d’entre eux, montre qu’il y a une confusion extraordinaire qui est liée à ce déni qui depuis des années existe à propos de l’immigration, en en faisant une question inabordable, en neutralisant par des mises en procès systématique les critiques, tout en concédant des accommodements dits raisonnables. Il suffit de voir la réponse apportées par l’Education nationale aux attentats de janvier avec, sous couvert de laïcité, un renforcement de l’enseignement du fait religieux à l’école qui va encore appuyer sur les différences et encourager les séparations sur fond de différences culturelles et religieuses. Pourtant, il n’a jamais été aussi important de s’unir autour de valeurs communes, pour exorciser le risque de fragmentation sociale et culturelle, voire le risque de la radicalisation.
Roland Hureaux : Vous parlez de débat, vous êtes bien gentil. Je ne vois qu'anathèmes violents, excommunications véhémentes surtout dans le "camp du bien".
Vous parlez de raisonnement: on aimerait qu'il y ait un peu de raison et de raisons dans tout cela. Mais on en cherche, même chez beaucoup de ceux qui sont hostiles à l'accueil.
La question n'est plus celle de l'islamophobie : on est pour l'accueil ou contre sans plus de considération de qui il s'agit d'accueillir. L'opposition touche à une ligne de fracture de plus en plus fondamentale de la conscience française, entre ceux pour qui l'identité nationale a une importance, et qui, à tort ou à raison, redoutent le "grand remplacement" et ceux pour qui elle est une notion parfaitement illégitime, une idée de coincés, de réacs, qui conduit à refuser l'aide à des malheureux et donc à se comporter comme des "salauds".
Il pourrait y avoir un débat intelligent mais ce débat est interdit : comme le dit bien Elisabeth Lévy : "Chercher à réfléchir, dire autre chose que les mots magiques "accueil", "ouverture", "générosité", c’est déjà être un salaud."
A l'origine de cette attitude il y a la notion d'urgence humanitaire : quand il y a le feu à la maison, on se passe les seaux, mais surtout on ne réfléchit pas, on éteint l'incendie. Réfléchir, c'est déjà être criminel.
Réfléchir, pourtant il le faut comme en toutes choses et l'urgence n'est peut-être pas aussi grande qu'il le paraît, s'agissant de "migrants" (ou réfugiés) qui ont déjà quitté leur pays depuis plusieurs mois, voire, comme le père d'Aylan plusieurs années.
Et la réflexion ne saurait se contenir non plus au degré zéro de certains anti-immigrationnistes : avons-nous la capacité d'accueil, ces gens sont-ils intégrables, quel impact sur nos finances publiques ? Ce qui n'est pas l'essentiel.
Non, l'enjeu pour notre pays est beaucoup plus grave : en fait s'opposent deux philosophie antithétiques : d'un côté une vision à court ou moyen terme que j'appellerais plutôt optimiste : ceux qui disent qu'il y a déjà beaucoup d'immigrés, y compris musulmans en France, qu'elle reste un grand pays riche, que malgré ce que disent les frileux, il y a encore de la place, qu'en tous les cas, face à un drame de cette envergure, il faut savoir ouvrir les bras. On reconnait dans cette attitude l'effet de ce qu'Emmanuel Todd appelle le christianisme zombie. Les Français se sont largement détachés de signes d'appartenance à la religion catholique mais ils en ont gardé sous une forme purement sentimentale une version humanitaire élémentaire laquelle résume pour eux les obligations de la conscience. Chesterton disait "tout le mal de notre monde vient des idées chrétiennes devenues folles". Ce qui est sûr, c'est qu'elles sont vraiment devenues folles. En rupture avec deux mille ans de tradition chrétienne où la morale n'avait cessé d'être analysée, décortiquée, je dirai mise en équations, en tous les cas soumise en permanence à la raison et à l'esprit de responsabilité, elle se réduit à un sentimentalisme hystérique d'où toute réflexion est bannie. J'ajouterai que l'idée simpliste que se font nos contemporains de la tradition chrétienne est que plus l'injonction morale est irréaliste, plus elle a de chances d'être chrétienne, un chrétien étant par définition quelqu'un qui n'a pas les pieds sur terre.
Ces tenants du court terme et de l'urgence humanitaire sont en même temps des optimistes : ils croient en la bonté de la nature humaine. Le péché originel est pour eux une vieillerie préconciliaire. Le risque d'hostilité entre des communautés religieuses ou ethniques coexistant sur le même territoire ne leur parait que balivernes: ils ont tellement de copains beurs sympas. Soupçonner que tout le monde puisse ne pas être toujours sympa, cela aussi c'est être coincé et antipathique.
En face, il est des adversaires de l'immigration qui se posent s'autres questions que celle du Beauf : "combien ça coûte". Ils prolongent les courbes, tant des entrées sur le territoire que de la natalité et voient sans trop de difficultés qu'à échéance de dix ou quinze ans, les musulmans ne seront certes pas les plus nombreux mais qu'ils représenteront une communauté pesant assez pour faire jeu égale avec la native, laquelle est gravement en perte de repères. Croyant peu à la bonté de la nature humaine, ils rappelleront que dans tous les cas où une telle situation s'est présentée, on n'a pas, malgré les prédictions des belles âmes, échappé un jour ou l'autre à la guerre civile : Bosnie, Liban, Ceylan etc.
ce qui est, est-il nécessaire de le rappeler la pire des choses qui puisse arriver à un peuple.
Il faudrait aller plus loin : l'interdiction de penser au-dessus du niveau des tripes conduit en réalité à une forme de mépris particulièrement abjecte pour ces populations. Elles sont devenues, comme disent les psychanalystes, un pur symbole ou ce que les politologues appellent un marqueur. Elles ont perdu leur réalité. Elles sont la pierre de touche de nos choix politiques, un repère pour savoir si on a affaire à un gars bien ou à un fasciste. Mais ce que sont vraiment ces populations, d'où elles viennent exactement, pourquoi elles sont là, ce qu'elles veulent, on nous en parle très peu.
Ce serait déjà une blasphématoire atteinte à l'"unanimité humanitaire", si je puis me permettre cette expression, que de poser ces questions. Cachez ces réfugiés que je ne saurais voir : ils sont ma bonne conscience et cela me suffit.
Or sur la réalité des réfugiés, beaucoup de questions se posent :
- Pourquoi s'agit-il principalement d'hommes et non de familles ? Une des explications serait qu'il s'agit surtout de ce que le régime d'Assad appelle des déserteurs, des hommes qui, tout en ne voulant pas s'engager du côté du jihad ne veulent pas non plus faire la guerre du côté du gouvernement. Ils en ont le droit, mais les y encourager est affaiblir le régime Assad et permettre à terme la victoire de Daesh à qui la ressource humaine ne manque pas, la Turquie permettant aux paumés du monde entier de rejoindra le jihad en passant par chez elle.
- tous les Syriens ne pâtissent pas directement de la guerre au quotidien : en comptant le population de Damas (6 millions d'habitants aujourd'hui) beaucoup de gens sont relativement à l'abri. Mais en sus de la guerre, les sanctions prises par l'Union européenne - et les Etats-Unis - pour punir Assad (encore l'empire des bons sentiments !) ont dégradé la situation économique et plongé beaucoup d'habitants dans la pauvreté. Ce qui les rend désireux de fuir. Etonnante politique de gribouille de l'Europe : elle instaure des sanctions contre un pays (y compris les médicaments sont sous embargo !), ce qui entraine la misère et elle s'étonne de se voir confrontée à un afflux de réfugiés, sans que personne ne dise pourquoi.
- mais on peut s'interroger plus en profondeur sur le responsabilité de la guerre en Syrie. Quelles que soient les horreurs dont on a soupçonné le régime Assad ou dont on lui a prêté l'intention (la plupart ont été depuis longtemps controuvées ainsi l'utilisation de gaz), ils sont sans proportion avec les immenses souffrances que la guerre a entrainée depuis et si la guerre continue encore aujourd'hui c'est en raison de l'appui que les grande puissances ont apporté aux djihadistes - et à personne d'autre : les prétendues "forces syriennes libres" sont un produit de l'imagination ou de la propagande, sur le terrain elles n'ont jamais existé. C'est la même chose en Libye : la répression que l'on pouvait craindre de ce personnage aurait sans doute été féroce mais la guerre qu'on lui a livrée pour l'en empêcher a fait au moins dix fois plus de victimes.
J'ajoute qu'intervenir dans un pays pour des raisons prétendues humanitaires, est une violation directe de l'article 2-7 de la Charte des Nations-Unies. Ce n'est pas une bonne action qui aurait mal tourné qui est au départ de la guerre de Syrie, c'est une violation du droit international.
Mais il est intéressant de voir comment les bons sentiments qui sont au départ de la guerre ont abouti à la catastrophe humanitaire que l'on voit et à laquelle on voudrait nous mouvoir encore une fois par les bons sentiments.
Guylain Chevrier : En fait de défi moral plus même qu’humanitaire, il y a là une certaine dose de cynisme. L’Allemagne sert de modèle à un accueil avec lequel les autres pays européens n’ont rien à voir. L’Allemagne envoie des recruteurs parmi les migrants pour repérer ceux qui sont qualifiés alors qu’elle manque cruellement d’ingénieurs et de techniciens et que parmi ces migrants, beaucoup le sont, en reflet du prix qu’ils ont payé pour passer. Les classes les plus modestes sont contraintes de rester sur place ou de migrer dans un pays voisin du leur. Ils voient dans cette migration massive qu’ils ont encouragée, tout en l’imposant à l’Europe, la justification de leur politique d’immigration économique doublée d’une bonne conscience, avec pour but une embauche massive de salariés qualifiés bon marché et corvéables à souhait.
L’Allemagne s’engage à accueillir 500.000 migrants par ans dans les prochaines années. Mais il n’est à aucun moment question de leur intégration à la société allemande, car s’intégrer dans l’entreprise n’est qu’une part de la socialisation qui est au fondement de la cohésion sociale. Le multiculturalisme qui prévaut en Allemagne sera-t-il à même de répondre à ce défi, autrement dit, à faire de ces migrants des membres à part entière de la société allemande, en les prédestinant à être séparés selon la religion ou l’origine ? Mais en faire des Allemands, est-ce bien ce qui est recherché ? Pour autant, le modèle du multiculturalisme qui a été déclaré par Mme Merkel avec M. Cameron comme étant un échec cuisant, ne change rien de ce côté. Peut-on croire qu’il ne risque pas d’y avoir de secs retours de bâton, alors que déjà l’Allemagne a sur sol une immigration très importante, particulièrement turque en raison des liens historiques d’alliance avec ce pays ?
Roland Hureaux : Au niveau européen nous sommes aussi en plein paradoxe :
Si l'on prend au sérieux la notion de réfugiés, cela veut dire qu'il ne saurait être question de quota: le droit d'asile signifie qu'on accueille un réfugié en attendant d'examiner sa situation. S'il mérite vraiment le statut de réfugié politique, on le lui accorde avec ou sans quotas.
Personne en outre ne nous obligeait à signer les accords de Schengen, mais une fois qu'ils existent, il est absurde de vouloir aiguiller les dits réfugiés vers tel ou tel pays : selon le principe de la libre circulation, ils vont où ils veulent.
Mais quid de ceux - qui semblent majoritaires dans la dernière vague - qui avaient déjà le statut de réfugié dans un autre pays : Turquie, Jordanie ? Je ne crois pas que le droit d'asile implique qu'ils puissent le réclamer ailleurs.
J'ajoute que le statut de réfugié, dans son principe est provisoire: le réfugié se met à l'abri hors de ses frontières en attendant le retour de la paix. La paix revenue, il doit rentrer dans son pays, ce qui est, pour le commun des mortels, le rêve le plus naturel. Voilà encore beaucoup de questions qu'on ne pose pas.
Ceci dit, j'ai du mal à comprendre la logique qui préside à la politique de Mme Merkel. A la surprise génale, elle se dit prête à accueillir presque tout le monde, soit à terme un millions de réfugiés, devenant l'idole de la bobosphère. Et puis tout à coup, elle change d'avis au vu de la réaction d'une partie da population allemande. Elle ne l'avait pas donc pas anticipée, cette réaction ? Il faut qu'on m'explique.
Si pour beaucoup d'Européens, l'idée européenne, est désormais liée à une immigration incontrôlée, on ne sera pas étonné qu'elle ait du plomb dans l'aile. Les prochaines échéances électorales seront instructives.
Je pense il est vrai que l'Union européenne est intrinsèquement incapable de résoudre cette question - comme la plupart des questions sérieuses d'ailleurs. Je n'en veux pour preuve que les propos de ce fonctionnaire européen qui m'expliquait qu'il fallait une résolution du Conseil de sécurisé pour intervenir en Libye. Un accord bilatéral avec ce gouvernement libyen ne lui suffirait pas. Alors que c'est la seule solution réaliste. Vouloir que l'ONU s'en mêle, c'est se remette au bon vouloir de la Russie et de la Chine qui ne pleurent peut-être pas tant que ça de nos difficultés.
Pourquoi faudrait-il que les représentants des communautés musulmanes prennent la parole afin qu'ils ne soient plus les instruments de nos guerres culturelles, à savoir le traditionnel clivage entre droite nationaliste et une gauche antiraciste ?
Guylain Chevrier : Il est indéniable que l’on aurait pu s’attendre sur ce sujet à une expression des organisations qui représentent peu ou prou les musulmans. On attend que sur les sujets importants comme celui-là, d’autant qu’il s’agit à l’origine de la venue de certains de ces réfugiés d’une guerre de religion ou l’islam est mêlée, et ce vis-à-vis de quoi il y a bien des choses à dire pour éviter les amalgames, dans le cadre de leur accueil. Y compris au regard des valeurs républicaines et de cette France qui est censée être celle de tous. Mais l’ambiguïté est à son comble alors que l’on assiste à un repli communautaire d’une partie visible importante des musulmans, sans que cela ne fasse réagir qui que ce soit à cet endroit, bien au contraire, on accuse d’islamophobie dès que l’on souligne les problèmes, des problèmes qui pourtant sautent aux yeux. On a vu s’installer une surenchère depuis les attentats de janvier avec la demande de doublement des mosquées ou de la transformation des églises en mosquées, entre autres. Comment ne pourrait-il pas il y avoir d’inquiétude et de tensions. Pour mesurer le problème, il faut se remémorer qu’en 2005 l’actuel vice-président du Conseil Français du Culte Musulman, Chems-eddine Hafiz, a écrit avec Gilles Devers un ouvrage intitulé « Droit et religion musulmane » dans lequel il exprimait que « le droit est sans prise sur la foi », invitant les musulmans à se mettre à part, hors de la République. Accueillir des réfugiés musulmans, n’est-ce pas aller alors dans le sens de ce risque ? Voilà la question que se posent bien des gens à laquelle les principaux intéressés ne répondent pas et le gouvernement fait comme s’il n’y avait là rien à voir.
Il faut se poser la question de savoir pourquoi on n’a pas su transformer la perception des Français qui était celle d’une intégration réussie à l’image des personnalités préférées des Français, Omar Sy ou Djamel Debbouze, Zidane…en élan républicain alors, que l’on octroie la nationalité française à plus de 100.000 étrangers par ans par naturalisation, 30.000 par le droit du sol... Les Français aujourd’hui sont dans les enquêtes d’opinion autour de 80% à être contre le port du voile dans les lieux privés, à l’entreprise, dans les salles de cours des universités, à l’école… Ce fort chiffre montre qu’il y a une fracture entre la façon dont trop de musulmans vivent leur religion et la République. La France, loin d’être raciste, montre ici pour une part son désarroi. Elle manifeste aussi sans doute par-là combien elle est consciente aussi d’avoir des valeurs de liberté, frappées au sceau de l’humanisme, à défendre face au danger du retour d’une forme de religieux qui se met entre le citoyen et l’Etat, qui remet en cause des droits fondamentaux, à commencer par l’égalité hommes-femmes.
Samedi 12 septembre, alors que se tenait à Pontoise un salon musulman annuel consacré cette année aux « femmes musulmanes », salon dominé par les prédicateurs et fondamentalistes, deux Femen, seins nus, sont montés sur la tribune pour crier en français et en arabe : « Personne ne me soumet, personne ne me possède, je suis mon propre prophète »… Il ne s’agissait pas pour ces militantes d’exprimer un rejet d’une « communauté », il s’agissait d’exprimer leur colère face à ces fondamentalistes qui s’apprêtaient à débattre sur le thème de savoir s’il fallait respecter ou non le Coran dans les relations homme-femme, la sourate IV invitant à battre sa femme par prévention pour s’assurer de sa fidélité. Parmi les invités le «prédicateur fondamentaliste Nader Abou Anas, connu pour avoir légitimé le viol conjugal et plus largement la soumission de la femme». Elles ont ensuite été frappées par des hommes déchaînés. On est en droiteffectivement d’être inquiet de ce qui se passe sur notre sol aujourd’hui et ce qu’on ose y autorisé.
En quoi ce chantage à l'islamophobie peut-il complexifier et paralyser l'opinion des Français ?
Guylain Chevrier : On sait ce que le terme islamophobie contient de danger, s’il était reconnu juridiquement, ce serait le délit de blasphème qui le serait et l’interdiction de la critique de cette religion, mais surtout et avant tout, de la façon dont certains la conçoivent. Cette menace permanente de procès en islamophobie fait monter la tension entre une société française sécularisée qui a rejeté la religion comme étalon de l’ordre moral pour en faire une question essentiellement de for intérieur, d’entre soi, et une affirmation religieuse à caractère communautaire qui refuse le mélange au-delà de la communauté de croyance et entend imposer ses pratiques religieuse à la règle commune pour les faire passer devant elle. L’opinion des Français du coup, face à une vague de migrants et particulièrement de réfugiés musulmans fuyant la guerre, est au plus mal. Elle se met même en déroute lorsqu’elle prend le parti de soutenir un accueil sélectif des réfugiés selon la religion. C’est déjà en quelque sorte la mise en place dans les têtes d’une fracture multiculturelle, que nourrissent depuis de nombreuses années ceux qui sont censés en tant que représentants des musulmans, encourager le fait qu’ils trouvent une place apaisée, comme citoyens avant tout, dans la France républicaine du XXIème siècle. Il n’y pas d’intégration impossible ni pour les musulmans de France ni pour ces réfugiés, pour peu que l’on prenne les choses dans l’ordre : les valeurs communes avant, les droits communs dont tous bénéficient mais aussi les règles communes, l’idée du bien commun, de l’intérêt général qui va avec, les différences après, droit de croire ou ne pas croire protégés par la loi. C’est cela qui garantit à tous la liberté de ses choix, au regard du risque d’emprise communautaire. Voilà le message d’accueil qui devrait être délivré à ceux que nous commençons à accueillir, en France mais aussi en Europe, pour déjouer le piège qui se profile à l’horizon de l’espace Schengen et regagner l’opinion aux valeurs de l’asile.
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