«Break the cross» (Briser la croix): c'est avec ce slogan sans appel que Dabiq, le magazine de propagande de l'État islamique en anglais, illustre son numéro 15 spécialement consacré aux chrétiens. Quelques jours seulement après l'assassinat du père Jacques Hamel, Daech revient sur les raisons de sa haine envers les chrétiens, aussi surnommés «croisés». Déjà, dans le numéro 4 de Dabiq, intitulé «la croisade ratée», les djihadistes mettaient en une une image du Vatican surmontée par le drapeau noir de Daech, affirmant leur volonté de s'en prendre à Rome. Mais là, la propagande de Daech va plus loin, développant longuement ses griefs envers le christianisme.
«Entre la sortie de ce numéro et le prochain massacre qui sera exécuté par un des soldats cachés du Califat, les Croisés peuvent lire pourquoi les Musulmans les haïssent et les combattent et pourquoi les païens Chrétiens devraient briser leurs croix» écrivent les djihadistes. Un article extrêmement détaillé et exceptionnellement long (17 pages), citant aussi bien les Actes des apôtres que les Évangiles et le Coran, entreprend de démontrer l'inanité du christianisme par rapport à l'islam, par un argumentaire historique et théologique. L'État islamique y dresse la généalogie du christianisme décrit comme un «paganisme» à cause de la Trinité, considérée par les islamistes comme contraire au principe du monothéisme. Cette critique se termine par un appel menaçant aux «peuples du livre» à rejoindre la religion musulmane. Pour appuyer cette démonstration, les propagandistes de Daech publient une interview d'un djihadiste caribéen et d'un autre finlandais qui racontent leur conversion du christianisme vers l'islam. Ils publient également une photo de la tombe de Humayun Khan, soldat musulman américain tombé en Irak, qualifié d'«apostat» par l'État islamique. Ce soldat américain est au cœur d'une vive polémique aux États-Unis, ses parents, de fervents démocrates, se servant de son exemple pour critiquer le «racisme» de Donald Trump, celui répondant que lui n'avait pas voté la guerre en Irak.
«Benoît XVI dit la vérité»
Dans sa rubrique «dans les mots de l'ennemi», l'État islamique vise spécifiquement le pape François montré en photo serrant la main à l'imam de la mosquée Al-Azhar Ahmed el-Tayeb, considéré comme un apostat par les djihadistes. Visiblement documentés, les auteurs citent le pape Benoît XVI dans son livre Foi, vérité, tolérance, où il expliquait que la démocratie «contredit l'essence de l'Islam, qui n'a tout simplement pas le principe de séparation entre sphère politique et sphère religieuse que le christianisme possède depuis le début». «Même si c'est un menteur, il a certainement dit la vérité sur ce sujet», commentent les djihadistes, «montrant par-là que beaucoup d'apostats de l'islam, comme les imams occidentaux ou les professeurs de prétendues universités islamiques, ont une bien moindre compréhension de l'islam que Benoît l'incroyant».
Ils citent ensuite le pape émérite dans son discours de Ratisbonne qui avait fait polémique pour cette citation de l'empereur byzantin Manuel II Paléologue: «Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l'épée la foi qu'il prêchait.» «La religion de l'islam continuera à être diffusée par l'épée, n'en déplaise à Benoît», écrivent les djihadistes.
Les auteurs soulignent la différence entre un Benoît XVI qui, selon eux, «accentuait l'inimitié entre les chrétiens païens et les musulmans monothéistes» et François qui «se cache derrière un voile trompeur de “bonne volonté”». «Des papes, et spécialement le pape François, ont essayé de peindre le tableau d'une amitié chaleureuse, cherchant à détourner les masses musulmanes du devoir du djihad», écrivent-ils, reprochant notamment à ce dernier d'avoir pris la défense des homosexuels après la tuerie d'Orlando.
Dans un texte intitulé «Pourquoi nous vous haïssons et nous vous combattons», les djihadistes détaillent les six raisons majeures pour lesquelles ils détestent l'Occident. La première raison invoquée est le christianisme, qualifié de «mécréance»: «Vous rejetez l'unicité d'Allah, vous blasphémez contre lui en affirmant qu'il a eu un fils.» «Nous avons pour ordre de combattre les mécréants jusqu'à ce qu'ils se soumettent à l'autorité de l'Islam, ou bien en se convertissant à l'islam, ou bien en payant la jizyah [NDLR: impôt prescrit dans le monde musulman collecté chez les dhimmis, les hommes non-musulmans] - pour ceux qui ont cette option - et en vivant dans l'humiliation sous la loi des musulmans.»
La deuxième raison est la laïcité et les «valeurs libérales», la troisième raison, l'athéisme des sociétés occidentales. Les «crimes contre l'islam» (blasphème et moqueries), les crimes contre les musulmans (bombardements et drones) et «l'invasion des terres» musulmanes sont aussi invoquées.
Dabiq est le principal support de propagande de l'Etat islamique à destination des djihdistes occidentaux. Daech s'en sert principalement pour faire des appels à rejoindre le califat ou bien à pousser ceux qui ne peuvent pas partir à passer à l'acte là où ils se trouvent.
SOURCE: http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/08/01/01016-...
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