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22/03/2007

Une juge allemande applique la loi coranique

medium_arton11697.jpgLa magistrate avait refusé d'accorder le divorce à une femme battue par son mari marocain parce que le Coran ne condamne pas les mauvais traitements entre époux. Elle a été dessaisie du dossier hier.

LE CORAN pèse-t-il plus lourd en Allemagne que le Code civil ? Sans doute pas, car une juge de Francfort qui en donnait l'impression a été dépossédée du dossier litigieux pour suspicion de partialité. Mais cette affaire, qui a été révélée hier par le quotidien de gauche Frankfurter Rundschau, est une illustration des problèmes de l'intégration.
Originaire du Maroc, mais née et élevée en Allemagne dont elle a également la citoyenneté, une jeune femme de 26 ans, mère de deux enfants de deux et trois ans, demande à divorcer de son mari, Marocain du Maroc, lui. Il la bat, la police en a pris acte dans un procès-verbal de mai 2006, à la suite duquel il a par voie de justice été interdit du domicile conjugal.
Mais il continue à la terroriser, à la « menacer de mort » selon Barbara Becker-Rojczyk, l'avocate de la plaignante. En octobre dernier, la jeune mère introduit une demande en divorce. En principe, la législation impose un délai d'un an de séparation des époux, mais elle prévoit le cas de figure de « rudesse excessive » pour trancher dès avant. « Il s'agit de menaces de mort et cela constitue bel et bien un cas de rudesse excessive », fait valoir l'avocate.
Et pourtant. Le 12 janvier 2007, une juge de Francfort récuse la demande et renvoie pour cela au Coran. Dans la mesure où les époux proviennent tous les deux de « milieux marocains », il convient de constater que « l'exercice du droit au châtiment (par le mari) ne permet pas d'invoquer une rudesse excessive » telle que prévue à l'article 1565 du Code civil allemand. La plaignante devait « s'y attendre » en convolant avec un Marocain.
La crainte d'un « crime d'honneur »
Dans sa quatrième sourate sur les femmes, le Coran stipule en effet que « vous réprimanderez celles dont vous aurez à craindre la désobéissance (...) vous les battrez ». Mais que cette injonction garde toute sa valeur à Francfort, à l'ombre de la tour de la BCE, ne convainc pas l'avocate. Sa demande de retirer le dossier à la juge pour suspicion de partialité lui vaut de la part de celle-ci une réponse, le 8 février, dont l'argumentaire est à nouveau fondé sur le Coran et « l'honneur de l'homme ». L'affaire ayant fait des va-gues, son appel de cette décision a abouti hier, la juge a été dessaisie du dossier. Quant au divorce, il pourrait finalement être prononcé avant le délai d'un an de séparation qui court jusqu'en mai.
À condition que le mari ou sa famille ne décide pas de se substituer à la justice. Deux ans plus tard, l'Allemagne se souvient encore de l'assassinat par son propre frère de Hatun Sürücü, une jeune femme turque de 23 ans qui avait fait le choix de vivre à Berlin « à l'occidentale » au lieu de se soumettre aux canons de la loi islamique. Mineur au moment de faits, son meurtrier Ayhan a avoué et a été condamné à neuf ans et trois mois de prison alors que deux autres frères, sans doute également impliqués, ont été relaxés faute de preuve. Les « crimes d'honneur » de ce genre ont fait une cinquantaine de morts en Allemagne dans les dix dernières années.

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