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20/03/2017

Islam: 15 siècles de génocides

Familier du Moyen Orient, le grand reporter Frédéric Pons a parcouru, tel un pèlerin en quête de vérité, cette vaste région en guerre pour décrire « le premier génocide du XXI siècle ». Pour cela, il rappelle le dernier rapport d’Amnesty International qui cite avec précision les enlèvements, les cas de torture, les exécutions sommaires et «les crimes de guerre » imputables aux groupes armés islamistes. Et ceux accompagnés de « crimes contre l’humanité commis à grande échelle par les forces gouvernementales syriennes ». « La nouveauté , écrit-il, n’est pas dans cet acte d’accusation contre le régime syrien, maintes fois dressé depuis mars 2011, mais dans la mise en cause des groupes rebelles eux-mêmes.

Daech a mis en place une politique d’extermination comparable à celle des nazis

On les croyait « modérés ». On les découvre « barbares ». Leur soutien ? « Gouvernements et associations islamistes basés au Qatar, en Arabie Saoudite, en Turquie, avec la bienveillance des Etats-Unis ».

Pons rappelle « qu’il aura fallu presque deux ans pour que la communauté internationale prenne conscience de la réalité de cet extermination des chrétiens d’Orient, pour qu’elle entende ce terme de "génocide" ». C‘est d’ailleurs le titre d’un autre rapport de deux ONG américaines remis en mars 2016 à l’ancien secrétaire d’Etat John Kerry.

« On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas » s’insurge justement Frédéric Pons. Massacres de masse, assassinats ciblés, viols, réduction en esclavage, déplacements forcés, enlèvements, séparations brutales entre hommes et femmes, blessures, incendies, vols. « Daech a violé des centaines et probablement des milliers de femmes chrétiennes, endommageant de manière permanente leurs organes reproducteurs ou les laissant enceintes des œuvres de leurs ravisseurs » souligne le rapporteur.

« Ils dressent aussi la liste de 126 églises attaquées, et celle, nominative, des 1131 chrétiens assassinés jusqu’en 2014. Est cité le père catholique Patrick Dubois, petit fils de déporté, spécialiste des crimes de masse contre les Juifs en Ukraine commis par l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale. Pour lui, « Daech a mis en place une politique d’extermination comparable à celle des nazis. C'est un génocide au regard des lois qui relèvent du traité de Rome. Les bébés sont parfois arrachés à leurs mères dès l’accouchement. On leur dit qu’ils vont être adoptés par des familles musulmanes » Le but : qu’ils deviennent des enfants soldats. Quant aux jeunes filles enlevées, « les chefs de Daech choisissent les plus jolies après avoir vérifié leur virginité, pour les garder ou les revendre : 60 euros environ pour une femme de 30-40 ans , 160 euros pour une enfant de 1 à 9 ans , chrétienne ou yézidie ». Une minorité, d’à peine 600000 personnes, non musulmane, vieille de plus de 7700 ans accusée de polythéisme par les islamistes qui n’acceptent pas que d’autres religions aient existé avant l’Islam.

La France aveuglée par son partenariat avec le Qatar et l'Arabie saoudite

Frédéric Pons cite le témoignage d’une député yézidie qui reçoit parfois des appels terribles de captives, ayant pu disposer d’un téléphone un court moment. « J’ai été violée 30 fois ce matin », raconte l’une d’elles, « S’il vous plaît, bombardez-nous » implore une autre. Grâce aux témoignages recueillis sur le terrain, l’écrivain nous fait mieux comprendre à travers leur quotidien le calvaire des chrétiens d’Orient. « Les musulmans nous qualifient depuis toujours de Nassirya, de Nazaréens, raconte Toma. C’est un terme insultant dans leur esprit ». Malgré les promesses, environ 3600 visas ont été seulement accordés, avec des tracas administratifs dès l’arrivée à Roissy. « Les migrants clandestins musulmans venus de Syrie, de Somalie ou d’Afghanistan ont été mieux traités que nous, confie Omar. Mais on a compris qu’à côté de la France officielle, il y avait des Français. Nous en avons rencontré qui nous ont tellement aidés ».

Fin connaisseur de cet Orient compliqué, Pons n’élude aucune responsabilité malgré « la chanson de geste » officielle dispensée aujourd’hui.  « L’échec américain et européen a démontré que les bons sentiments ne font pas une bonne politique. La morale ou l’émotion médiatique n’a rien à faire avec la géopolitique et la stratégie, souligne l’auteur. Pour avoir ignoré les facteurs immatériels et spirituels, pour avoir négligé la longue évolution historique de ces terres de vieilles civilisations, pour avoir méprisé les peuples, les décideurs occidentaux portent une immense part de responsabilité dans le malheur des pays arabo-musulmans, et donc dans le calvaire des chrétiens d’Orient ». Les gouvernements français ne sont pas épargnés. « Scotchée aux analyses de Washington, liée de façon outrancière à son partenariat commercial et financier avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, la France de Sarkozy et de Hollande a d’emblée pris le parti de l’opposition armée.

Persuadée de la faiblesse du régime Assad, elle a fait de sa chute sa priorité… La France a longtemps nié le vrai visage des groupes armés, a ignoré la montée en puissance politique et militaire de la Russie et a négligé son rôle traditionnel de protection des chrétiens d’Orient ». Au passage, Pons rappelle que si les chrétiens ne sont pas les seuls à souffrir de persécution religieuse dans le monde, « ils représentent les ¾ des victimes pour motifs religieux : 200 millions d’entre eux ne peuvent pas vivre librement leur foi dans une soixantaine de pays, et plus de 100000 chrétiens sont tués chaque année à cause de leur foi. Cette christianophobie mondialisée tue ainsi un peu plus de 270 chrétiens chaque jour ».

SOURCE :http://www.msn.com/fr-fr/actualite/culture/daech-a-viol%...

14/03/2017

Pays Bas 1 Hollande 0

La lâcheté de nos dirigeants est parfois, comme il est dit du mystère de Dieu, non pas impénétrable mais insondable… D’autres responsables régionaux, dans d’autres pays, savent heureusement faire preuve de plus de courage.

Il est ainsi de ceux de la Suède, de la Suisse ou de l’Autriche, où des meetings de soutien à Recep Tayyip Erdogan ont été annulés. Il en est ainsi, encore, de l’Allemagne, où plusieurs réunions électorales pro-AKP dans plusieurs villes ont été interdites, et où le ministre turc de la justice a dû annuler son déplacement en vue de ces réunions, malgré une réponse peut-être un peu trop mesurée d’Angela Merkel qui, après qu’Erdogan a accusé Berlin de « pratiques nazies » a sobrement appelé à garder son sang-froid, et rappelé l’absurdité, en l’espèce, de ce type de comparaisons historiques. La déclaration du nouveau Grand Turc aurait mérité une vraie colère, mais madame Merkel tient avant tout à préserver l’accord indigne de mars 2016 qu’elle avait négocié avec Ankara sur les migrants, accord entériné par l’Union européenne, et qui, en nous préservant pour l’instant des flots de réfugiés que nous ne voulons pas connaître, fait du sultan d’Ankara un maître-chanteur, toujours la main sur les vannes de l’exode qu’il peut rouvrir selon ses humeurs ou ses intérêts…

La honte, la honte, la honte

Il en est ainsi, enfin, des Pays-Bas, qui n’ont pas hésité à interdire l’atterrissage du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, lequel devait prendre la parole à un meeting de soutien à Erdogan à Rotterdam, puis à reconduire à la frontière avec l’Allemagne Fatma Betül Sayan Kaya, ministre turque de la Famille, désireuse de remplacer Mevlüt Çavuşoğlu à ce même meeting… Les Pays-Bas, à leur tour, se sont vus traiter par Erdogan de « fascistes » et de « nazis », lequel les a même avertis qu’ils « paieraient le prix fort » pour leur « attitude », tandis que son ministre des Affaires étrangères déclarait que La Haye devrait faire des excuses… Pas trop atteint par la menace, le gouvernement néerlandais a déclaré, par la voix de son Premier ministre, qu’Erdogan dépassait les bornes, et qu’il était hors de question de faire des excuses à des gens qui traitaient les Néerlandais de nazis… Digne, courageux, honorable.

On aurait aimé pouvoir en dire autant des autorités françaises… Mais, avant de parler de la honte, une remarque : il est étrange, et assez incohérent, que l’insulte « nazi » soit utilisée par monsieur Erdogan, lequel n’avait pas hésité, à l’occasion d’un discours public, à citer l’Allemagne nazie comme exemple de régime présidentiel fort, comme celui qu’il voudrait instaurer en Turquie, pays où, Mein Kampf a été publié en 2005 et reste un best-seller

La honte, donc. Celle d’avoir laissé le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, encore tout énervé de sa mésaventure néerlandaise, venir à Metz, en France, et prendre la parole à un meeting de soutien en faveur de la réforme constitutionnelle voulue par Erdogan. Et le laisser, pendant cette réunion, continuer à s’en prendre, sur notre territoire, aux autorités de La Haye, un pays membre comme nous de l’Union européenne… Cette lâcheté est injustifiable. La moindre des choses, le minimum de courage politique et de dignité d’Etat eût été de se montrer solidaire avec l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas. Nous n’en avons pas été capables. Et le Grand Turc, cynique, nous a en retour gratifiés d’un compliment, saluant la France pour « ne pas être tombée dans le piège »… Il y a des compliments plus infâmants que des injures, quand ce sont des despotes affichant le mépris le plus absolu pour la démocratie qui les formulent…

Le scandale, une arme électorale

Ce mépris pour la démocratie est au cœur de ce qui se joue ici. Il ne s’agit pas seulement de dignité, et de fierté nationale allemande, néerlandaise ou française. Erdogan jette tout ce qu’il peut dans la bataille électorale, avant le référendum du 16 avril prochain. Profitant du coup d’Etat raté de juillet 2016, celui qui n’a pas hésité à rallumer une guerre intérieure et extérieure avec les Kurdes pour s’assurer une majorité législative, et qui a fait depuis l’été 2016 emprisonner près de 40 000 personnes, poursuivre des centaines de journalistes et « effacer » de tout emploi public et privé près de 130 000 fonctionnaires, les condamnant ainsi à une « mort sociale », veut à tout prix réaliser son rêve : restaurer en l’incarnant la « grandeur » totalitaire du pouvoir ottoman, celui du sultan, le Grand Turc comme on disait. Pour cela, il faut que sa réforme institutionnelle passe. Cette réforme en termine une bonne fois pour toute avec la démocratie, ses principes et ses valeurs : le président (Erdogan) exercera tout le pouvoir exécutif, sans Premier ministre ; il nommera et limogera les ministres ; il pourra intervenir sur l’exercice de la justice en nommant plusieurs des membres du Haut-Conseil des juges et procureurs en charge de nommer et destituer le personnel judiciaire ; fini l’indépendance de la justice.

Mais Recep Tayyip Erdogan n’est pas totalement assuré de la victoire au référendum. Une partie importante de l’électorat turc hésite, ou réprouve sa réforme. La répression post-coup d’Etat a peut-être été un peu trop loin… et la situation économique ne cesse de se détériorer, dans une société désagrégée par ladite répression, les conflits, l’instabilité… Et puis l’idéal démocratique n’est pas mort aux yeux de beaucoup de Turcs, qui résistent, comme ils peuvent, au quotidien. Même au sein de l’AKP, le parti d’Erdogan, il y a des éléments qui doutent, qui rechignent… Alors les voix des millions d’électeurs résidant en Allemagne, au Pays-Bas, en France, ailleurs en Europe, sont cruciales, et peuvent faire la différence… D’où l’agressivité des ministres envoyés par Erdogan mobiliser ceux-ci en Europe, autour d’un nationalisme toujours vivace dans les communautés expatriées…

C’était donc là qu’il fallait se montrer à la hauteur. Courageux, dignes, solidaires, européens, et démocrates, face au Grand Turc et ses colères de tyran. Hélas la France n’en a pas été capable. Nous avons encore une fois choisi le déshonneur pour éviter le conflit. Nous aurons de toute façon à la fin le conflit, mais avec le déshonneur. Winston Churchill, père de la formule, aurait probablement déjà demandé, lui, l’exclusion de la Turquie de l’Otan, en dirigeant lucide qu’il était, averti que l’on ne saurait avoir une alliance militaire opérante, durable et fiable avec un pays dont les dirigeants ne partagent pas nos fondamentaux politiques… et nous insultent sans vergogne.

SOURCE : www.causeur.fr

06/03/2017

La cuture de l'Etat Islamique est une civilisation qui mérite respect

" Leïla Khaled ne se sentait pas bien, ce matin-là. C'était à la fin d'août, quand le soleil de l'été irakien frappe de toutes ses forces contre les murs et les fenêtres, comme les vents d'une puissante tempête. Mossoul était toujours aux mains de l'État islamique. La guerre était encore loin, au sud de la ville. Elle décide d'aller à la clinique du quartier de Tahrir, dans les faubourgs populaires de l'est de Mossoul. Elle s'habille. Cela demande une préparation minutieuse. Elle doit respecter à la lettre les codes vestimentaires particulièrement sévères édictés par Daech pour les femmes. Celles-ci ne peuvent laisser voir la moindre parcelle de peau.

Leïla passe une robe. Par-dessus, elle enfile un jilbab, une cape ample et large qui cache les formes du corps. Pour son visage, elle ajuste un niqab, le voile intégral qui ne laisse voir que les yeux. Pour dissimuler ceux-ci, Leïla met par-dessus le niqab un sitar, un tissu très fin qui permet de voir sans être vu. Daech rappelait le bon usage de ses codes vestimentaires à grand renfort de publicité sur des affiches, dans les hôpitaux, dans les médias. Malgré l'interdiction de se maquiller, Leïla n'a pu s'empêcher de passer ses cils au mascara. Puis, elle enfile ses chaussettes et ses gants. Enfin, elle est prête.

Pour aller à la clinique, son mari, Walid, l'accompagne. Sous l'État islamique, une femme ne saurait sortir sans son mahram, un époux ou un proche parent qui fait office de tuteur pour escorter les femmes pendant leurs déplacements. Walid marche devant, Leïla suit derrière. Soudain, elle trébuche. Elle se fait mal au pied droit. Elle appelle son mari: «Walid!» Elle veut voir ce qui lui est arrivé. Elle soulève son sitar.

«Nous allons mordre ton épouse»

Walid entend sa femme trébucher, puis l'appeler. Il se retourne, veut l'aider, mais voit déjà deux membres de la Hisba, la police des mœurs de l'État islamique, se présenter: «Ne la touche pas», disent-ils. Il refuse, hausse la voix: «Je veux l'aider!» À Leïla, les policiers de Daech disent: «Couvre ton visage.» «Je veux voir ce qui m'est arrivé!», répond-elle, peut-être trop fort. Sous l'État islamique, on ne saurait entendre la voix d'une femme qui n'est pas la sienne. Les agents appellent des femmes de la Hisba à l'aide de leurs talkies-walkies. «Nous allons mordre ton épouse», disent-ils à Walid. Trois agents arrivent, le bandeau noir de la Hisba sur le front. Elles forcent Leïla à se lever. Walid se désole, offre de payer. Sa femme est emmenée dans un magasin de sucreries, à l'abri des regards, alors que lui reste dehors. Leïla est maintenue par deux femmes. La troisième soulève son voile, et la mord au bras droit, à pleines dents. Leïla s'évanouit.

Les agents prennent la carte d'identité de Walid après avoir dressé un procès-verbal. Trois jours plus tard, le mari la récupère au centre de la Hisba de Mossoul, installé dans une ancienne église de l'ouest de la ville. Il doit payer une amende de 50.000 dinars irakiens, 40 euros. «Ta femme a-t-elle été mordue?» demande le juge du commissariat. «Oui, vous pouvez le lire sur le procès-verbal!», répond Walid, indigné. «Tant mieux, car sinon, nous aurions dû la faire mordre», tranche le juge. Leïla a été mordue si fort que, plus de cinq mois plus tard, elle en porte encore une trace - un hématome, en forme de mâchoire.

On connaissait les exécutions monstrueuses de l'État islamique, largement relayées par la propagande de l'organisation. On connaissait les lapidations de couples adultères, les homosexuels précipités du haut des immeubles, les cadavres exposés sur les places, les têtes sur les piques. Les châtiments de Daech pouvaient aussi prendre la forme d'une très simple trivialité: des morsures à l'encontre des femmes, faites par d'autres femmes.

Le cas de Leïla n'est pas unique. Il y avait une gradation dans les morsures. Celles faites pour punir les femmes qui laissaient voir, audace suprême, une parcelle de peau en public. Dans ce cas, les morsures étaient appliquées avec une petite pince. Pour les cas plus graves, comme celui de Leïla, les femmes étaient mordues à pleines dents. Enfin, dernier stade, des blessures faites à l'aide d'une mâchoire métallique. «J'ai dû traiter trois cas de femmes qui ont eu des lambeaux de chair arrachés par cet instrument», raconte un médecin forcé de travailler pour Daech, qui souhaite garder l'anonymat. Farah a été mordue à l'aide de cette mâchoire métallique, dans le souk de Mouthanna, à Mossoul, à l'été 2015, parce qu'elle ne portait pas le sitar. Elle garde de la morsure une cicatrice au bras gauche. «Elle saignait. Nous n'avons pas osé aller à l'hôpital pour ne pas avoir d'ennuis supplémentaires. La blessure a mis quarante jours à bien se refermer», se souvient son mari, Aziz Abdallah Khalaf.

Nul ne sait qui a inventé ce châtiment, qu'on ne retrouve nulle part dans la tradition islamique. Il a commencé à être appliqué au début de l'année 2015 en Irak, alors que l'État islamique assurait son emprise sur les territoires dont il s'était emparé, sans coup férir ou presque, en juin 2014. Pour l'appliquer, Daech a mis en place une police des mœurs féminines - la Hisba. Il s'agissait de vérifier que les autres femmes se conformaient bien aux codes vestimentaires de l'État islamique et de s'assurer de la séparation des deux sexes dans l'espace public.

L'organisation a accordé une place à part entière aux femmes, dans son fonctionnement. Elles devaient avant tout donner naissance et élever une nouvelle génération de djihadistes. «Dans l'idéologie de l'organisation, chaque sexe se voyait attribuer des rôles bien précis, complémentaires sur terre, mais égaux aux yeux d'Allah. Faire des enfants est aussi important que de combattre. C'était aussi une stratégie militaire. Si le territoire venait à être repris, il fallait une nouvelle génération pour pérenniser l'idéologie. Daech va donc valoriser le statut de la femme dans une perspective stratégique. Cela permet de bâtir une société, puis de créer un État, avec la nécessité de mettre en place des institutions», explique Géraldine Casutt, doctorante suisse à l'université de Fribourg, qui consacre une thèse au rôle des femmes occidentales dans l'État islamique.

D'autres jouaient un rôle plus actif. Quand elles étaient parentes ou épouses de djihadistes, les femmes bénéficiaient d'une certaine autorité. Elles pouvaient alors être enseignantes ou membres de la Hisba. L'organisation avait par exemple fait la pro motion, à grand renfort de propagande, d'une unité féminine de la Hisba, la katiba al-Khansa, du nom d'une poétesse des premiers temps de l'islam. Établie à Raqqa, la «capitale» syrienne de l'État islamique, à l'été 2014, cette unité composée exclusivement de femmes était chargée de «sensibiliser, d'arrêter et de punir celles qui ne respectent pas la loi islamique. Le djihad n'est pas un devoir réservé aux hommes. Les femmes doivent faire leur part aussi», déclarait à l'époque Abou Ahmed, un cadre de Daech, en annonçant la création de la brigade al-Khansa.

La loi des clans

Sur le territoire irakien, il semble que la majorité des membres de la Hisba étaient des femmes issues de la communauté arabe sunnite. Se pose aujourd'hui la question de leur arrestation. Dans de nombreux cas, les autorités laissent faire. «Notre problème ici, c'est la loi des clans. Le seul fait d'être arrêté vaut peine de mort pour les femmes», dit le lieutenant Ahmed (son prénom a été changé). Dans ses quartiers, le siège des services de renseignements d'une petite ville située au sud de Mossoul, l'officier retient une femme prisonnière. Elle est tout en nuances de sombre. Robe sombre, voile sombre, regard sombre. Cette femme de 44 ans, que nous appellerons Yousra, est accusée d'avoir été membre de la Hisba dans la vallée du Tigre. Selon le lieutenant Ahmed, il y aurait eu de 40 à 60 agents de cette institution, dans cette vallée.

Yousra a été arrêtée fin janvier. Elle essayait de fuir Mossoul, la «capitale» irakienne de Daech, pour se rendre dans un camp de réfugiés. Elle se présente à un check point. À l'enregistrement de son nom, elle est identifiée comme la proche parente d'un haut cadre de Daech, le wali de la vallée du Tigre - l'équivalent d'un préfet. L'homme s'appelle Abou Talout, du puissant clan des Talout, qui s'est rangé aux côtés de l'État islamique.

Yousra nie et assure n'avoir été arrêtée que parce qu'elle est épouse et sœur de djihadiste. Elle se lamente: «À présent, n'importe quel membre de l'État islamique a le devoir de me tuer. Vous ne savez pas de quoi ils sont capables. Ma vie ne vaut pas plus qu'un papier brûlé.» Pour au moins deux raisons. Être prisonnière des autorités irakiennes cause le déshonneur du clan. Et, en proche parente d'un haut cadre, il faut s'assurer de faire respecter la loi du silence. Coupable ou non, Yousra ne pourra jamais retourner dans sa communauté. Dans le cadre de la loi antiterroriste irakienne, elle risque jusqu'à quinze ans de prison.

Les membres des forces de l'ordre risquent eux-mêmes des représailles, être les victimes d'une vendetta qui pourra prendre des années avant de les frapper. Dans de nombreux cas, les autorités préfèrent fermer les yeux et laisser échapper d'anciennes femmes appartenant à l'État islamique, plutôt que de procéder à des arrestations qui risquent de déclencher de nouvelles flambées de violence. En attendant la prochaine génération de djihadistes, comme les riverains d'un volcan la prochaine éruption".

SOURCE :Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 06/03/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici